Définition Moucharaka:
La Moucharaka est une association entre deux parties (ou plus) dans le capital d’une entreprise, projet ou opération moyennant une répartition des résultats (pertes ou profits) dans des proportions convenues. Elle est basée sur la moralité du client, la relation de confiance et la rentabilité du projet ou de l’opération.
La Moucharaka, telle que pratiquée par les nouvelles Banques Islamiques , se présente le plus souvent sous forme d’une contribution au financement de projets ou d’opérations ponctuelles proposés par la clientèle. Comme dans la Mourabaha, ce financement peut se faire avec ou sans décaissement.
Mais elle peut aussi revêtir des formes plus élaborées.
En tout état de cause, cette contribution se réalise suivant l’une des deux formules ci-après :
La Moucharaka définitive :
La Banque participe au financement du projet de façon durable et perçoit régulièrement sa part des bénéfices en sa qualité d’associé copropriétaire. Il s’agit en l’occurrence pour la Banque d’un emploi à long ou moyen terme de ces ressources stables (fonds propres, dépôts participatifs affectés et non affectés…). L’apport de la Banque peut revêtir la forme d’une prise de participation dans des sociétés déjà existantes, d’un concours à l’augmentation de leur capital social ou la contribution dans la formation du capital de sociétés nouvelles (achat ou souscription d’actions ou de parts sociales). Ce type de Moucharaka correspond dans les pratiques bancaires classiques aux placements stables que les banques effectuent soit pour aider à la formation d’entreprises ou tout simplement pour s’assurer le contrôle d’entreprises existantes.
La Moucharaka dégressive :
La Banque participe au financement d’un projet ou d’une opération avec l’intention de se retirer progressivement du projet ou de l’opération après son désintéressement total par le promoteur. Ce dernier versera, à intervalle régulier à la Banque la partie de bénéfices lui revenant comme il peut réserver une partie ou la totalité de sa propre part pour rembourser l’apport en capital de la Banque. Après la récupération de la totalité de son capital et des bénéfices qui échoient, la Banque se retire du projet ou de l’opération. Cette formule s’apparente aux participations temporaires dans la finance conventionnelle.
Utilité de ce mode de financement :
Le financement par Moucharaka de par sa souplesse et sa vocation participative présente plusieurs avantages et pour la Banque Islamique et pour les opérateurs économiques. Pour la Banque Islamique, cette formule offre des opportunités de placement à long et/ou moyen terme de ses ressources.
Il peut constituer de la sorte une source de revenus réguliers et consistants susceptibles de lui permettre d’assurer à ses déposants et à ses actionnaires un taux de rémunération assez intéressant.
Outre le financement à caractère ponctuel d’opérations commerciales à court terme (notamment de revente en l’état ou d’import-export) et les prises de participation, la Moucharaka se présente aussi comme une forme de crédit à long et moyen terme. A ce titre, elle constitue le mode de financement le plus adapté au besoin des cycles de création et de développement des entreprises aussi bien pour ce qui est de la constitution et/ou augmentation du capital que l’acquisition et/ou la rénovation des équipements. Aussi, la Moucharaka est-elle très sollicitée par les promoteurs pour la création de petites et moyennes entreprises sous forme de sociétés de diverses formes (SPA, SARL, SNC…).
Pour les opérateurs économiques (partenaires), le principe de partage du risque fait de la Moucharaka une source de financement attrayante. La rémunération de la Banque loin de constituer une charge financière fixe, est une contribution variable directement liée au résultat d’exploitation. En cas de résultat déficitaire, non seulement la Banque ne peut prétendre à une quelconque rémunération, mais elle est aussi tenue d’assumer sa quote part dans la perte en sa qualité d’associé. C’est dire toute l’importance de l’étude du risque et de rentabilité des projets et opérations proposés pour ce type de financement.
La Moucharaka de type dégressif permet aux Banques Islamiques d’accorder aux titulaires de marchés publics (ou autres), des avances sur marchés moyennant un partage de la marge dégagée sur les coûts de réalisation. Les paiements se feront au vu de situations de travaux appuyées de toutes les pièces justificatives probantes. Le prélèvement se fera sur les versements effectués par le maître de l’ouvrage via le comptable payeur, en vertu des clauses de l’acte de nantissement de marché à requérir systématiquement dans ce genre d’opérations. Néanmoins, il y a lieu de tenir compte des prescriptions de la Chari’a en la matière (voir ci-dessous).
Les concours par Moucharaka répondent aussi aux besoins de financement des petites entités du secteur de l’artisanat, de l’hôtellerie, de la restauration et autres types d’activités qui, en dépit de leur faiblesse en matière de garanties et de ressources financières, présentent en contrepartie un intérêt culturel certain. Ces secteurs bénéficient le plus souvent d’avantages fiscaux et d’une demande stable et fidèle qui compensent largement les inconvénients précités.
Certains pays de vieille tradition bancaire ont favorisé le développement de banques spécialisées dans le financement de ce type d’activités et fonctionnant de façon participative (les banques populaires).
Conditions de la conformité à la Charia’a (Moucharaka)
L’apport de chaque partie doit être disponible au moment de la réalisation de l’opération objet du financement. Toutefois, la chari’a autorise la Moucharaka dans des opérations bénéficiant de différés de paiement à condition que chacune des deux parties assume une partie de l’engagement vis à vis du/des fournisseur (s) (charikat woudjouh). L’apport de la Banque Islamique dans cette forme de Moucharaka, consiste généralement en l’émission d’une garantie bancaire (aval, crédit documentaire, lettre de garantie, caution sur marché etc…).
Chacune des deux parties doit accepter le principe de la participation aux pertes et profits de l’entreprise financée. Toute convention visant à garantir à l’une des parties la récupération de son concours indépendamment des résultats de l’opération est nulle et non avenue. A cet égard, la Banque n’a le droit de réclamer le remboursement de son apport que dans les cas de violation par son partenaire d’une clause quelconque du contrat Moucharaka, de négligences graves dans la gestion de l’affaire (par référence aux règles usitées en la matière), et des cas de mauvaise foi, dissimulation, abus de confiance et autres actes similaires.
La Banque peut requérir de son partenaire la constitution de garanties mais elle ne peut les faire jouer que dans l’un des cas de actes sus-mentionnés.
La clé de répartition des bénéfices entre les deux parties doit être explicitement arrêtée lors de la conclusion du contrat afin d’éviter toute cause de litige. Si la part de chaque partie dans les bénéfices est librement négociable, le partage des pertes éventuelles doit se faire dans les mêmes proportions de partage des bénéfices conformément aux principes, le gain en contrepartie de la perte (El Ghounmou bi el Ghounmi).
Le partage des profits ne peut avoir lieu qu’après réalisation effective des bénéfices (pas d’anticipation sur les résultats). Des avances peuvent être néanmoins prélevées d’un commun accord entre les parties concernées, à charge de régularisation à la clôture de la Moucharaka ou de l’exercice selon le cas).
Les biens et prestations, objet de la Moucharaka, doivent être conformes aux prescriptions de l’Islam (licites).